3. L'automobile

Dans le modèle proposé dans les deux articles précédents, l'automobile individuelle cesse d'être comme aujourd'hui le moyen de déplacement prédominant, pour devenir un mode de transport subsidiaire dans les zones denses, de loin les plus peuplées, ou principal seulement dans les zones peu denses, vastes mais peu peuplées.

Dans ces conditions, nous n'aurons plus besoin des mêmes automobiles qu'aujourd'hui.

3.1. Les types de véhicules

Dans une société où la voiture devient un mode de transport subsidiaire, on peut penser que trois types de véhicules devraient devenir majoritaires : les petits véhicules polyvalents, les petits utilitaires et les véhicules familiaux. On notera que ces trois types composent d'ores et déjà l'essentiel des flottes des services d'autopartage.

3.1.1. Les petits véhicules polyvalents

Les petits véhicules polyvalents devraient être les plus nombreux. Il s'agirait de petites voitures légères (moins de quatre mètres de long, moins d'une tonne), pouvant transporter deux personnes avec des bagages ou quatre personnes peu chargées. N'étant appelées à circuler que sur des routes de campagne ou en milieu urbain, pour des trajets rarement supérieurs à quelques dizaines de kilomètres, une vitesse maximale de 80 à 100 km/h serait amplement suffisante. On pourrait ainsi, en optimisant les moteurs à essence, atteindre une consommation de l'ordre de 2 à 3 litres aux 100 km et une émission de CO2 inférieure à 80g par km.

Les modèles actuels les plus proches de ce concept sont les Peugeot 107, Citroën C1 et Toyota Aygo. Avec un petit effort pour optimiser le moteur et améliorer la modularité intérieure, on y serait presque. La cahier des charges de la Citroën 2CV d'origine, à la fin des années 1930, était également très proche du modèle recherché : « quatre roues sous un parapluie avec quatre places assises, légère mais capable de transporter 50 kg de bagage, 2 CV fiscaux, traction avant, 60 km/h en vitesse de pointe, boîte à 3 vitesses, facile d’entretien, possédant une suspension permettant de traverser un champ labouré avec un panier d’œufs sans en casser un seul et ne consommant que 3 litres d’essence aux 100 km ».

3.1.2. Les petits utilitaires

Comme l'automobile servira encore à transporter de lourdes charges, on aura besoin de petits utilitaires. Ces véhicules existent déjà aujourd'hui (Renault Kangoo, Citroën Berlingo, Peugeot Partner). La seule évolution notable sera la baisse de puissance et l'optimisation du moteur, afin de réduire fortement leur consommation et leur émission de gaz à effet de serre.

3.1.3. Les véhicules familiaux

Des véhicules plus grands et plus confortables, pouvant transporter cinq personnes avec des bagages, à une vitesse maximale de 100 à 120 km/h, seront également utiles, en particulier pour les loisirs et pour les taxis.

Ces modèles existent déjà chez tous les constructeurs automobiles, sous forme de berlines, de breaks ou de monospaces. Simplement, ils peuvent tous atteindre la vitesse de 180 km/h et rares sont ceux qui consomment moins de 5 litres aux 100 km et émettent moins de 120 g de CO2 au km. L'effort devra donc être porté sur la réduction de leur puissance et l'optimisation de leurs performances écologiques. La motorisation hybride sera probablement une solution pour les véhicules appelés à rouler beaucoup en milieu dense, c'est-à-dire principalement les taxis. Pour les autres une amélioration des moteurs à essence sera préférable.

3.1.4. Les autres

Parce qu'il existera encore de besoins particuliers, à commencer par le besoin de divertissement, les 4x4, grands monospaces, grosses berlines, coupés et cabriolets ne disparaîtront probablement pas. En revanche, ils devraient être beaucoup moins nombreux et beaucoup plus lourdement taxés, justement pour éviter leur diffusion trop large.

3.2. Les modèles économiques

Dans une société où l'automobile devient un mode de transport subsidiaire et non plus principal, son modèle économique évoluera certainement.

En milieu dense, c'est-à-dire à moins de trois kilomètres d'un point d'accès au réseau principal, l'autopartage a de fortes chances de devenir le mode d'utilisation dominant. En effet, pourquoi supporter les charges du propriétaire d'une automobile si c'est pour l'utiliser au mieux quelques fois par mois ? Une voiture en autopartage remplace habituellement dix voitures en propriété traditionnelle. Si les deux tiers des habitants des zones denses passent à l'autopartage, le parc automobile sera divisé par plus de deux ! On imaginera immédiatement les conséquences en demande d'espace pour la circulation et surtout le stationnement des voitures. L'espace ainsi gagné pourra être réaffecté aux piétons, aux cyclistes, aux transports en commun, mais aussi aux espaces verts, aux logements, aux services publics et à l'activité économique. Le taxi devrait également voir son activité augmenter.

Dans la zone peu dense, la propriété traditionnelle risque au contraire de rester prépondérante, ce qui ne posera guère de problèmes lorsqu'elle ne concernera qu'environ 10% de la population, disposant déjà de surcroît d'espaces de stationnement sur leur propre terrain.

4. Conclusion

Cette série d'articles a été conçue comme une vision prospective. Cette vision reste au niveau du projet de vie en société, c'est-à-dire de la politique, au sens noble du terme. Lorsque le personnel politique se sera approprié ce projet viendra l'heure des techniciens et des économistes, chargés de le chiffrer et de l'ajuster à la réalité du terrain.

Sa publication sous forme de blog est une invitation à engager le débat.