L'autoroute donne aujourd'hui un avantage notable à la voiture et au camion entre l'axe Saône-Rhône, la Savoie et l'Italie du Nord. Les voie ferrées actuelles ne sont pas concurrentielles. Faut-il créer de nouvelles infrastructures ferroviaires, améliorer les infrastructures existantes ou combiner les deux approches ?

Entre Lyon et la Combe de Savoie, une ligne nouvelle ligne mixte (fret + voyageurs) est indispensable. Les deux lignes actuelles (double voie par Ambérieux et voie unique par Saint-André-le-Gaz) ne permettent pas d'acheminer à la fois un important trafic TER, en croissance régulière, les TGV et le fret. Ces lignes connaissent des retards chroniques très supérieurs aux moyennes régionales, qui sont elles-mêmes supérieures aux moyennes nationales. Les temps de parcours (1h15 pour Lyon-Chambéry et près de 2 heures pour Lyon-Annecy) ne sont guère attractifs pour les voyageurs. A cette ligne nouvelle doit s'ajouter le contournement ferroviaire de Lyon, destiné notamment à désengorger les accès à la gare de Lyon Part-Dieu, actuellement saturés.

Au delà de Montmélian, une rénovation de la ligne actuelle, à double voie, combinée à l'utilisation du tunnel actuel, paraît suffisante en l'état actuel du trafic ferroviaire, tant pour le fret que pour les voyageurs. Un projet de modernisation, avec utilisation du tunnel historique d'altitude a été présenté par deux ingénieurs. Il mérite d'être comparé attentivement au projet de tunnel de base, en sachant cependant qu'un tunnel en altitude nécessite plus d'énergie de traction qu'avec le tunnel projeté. Quelle solution aurait le meilleur bilan énergétique ? Celle avec de gros travaux ou celle avec beaucoup de grosses locomotives ? Il est bien difficile de trancher cette question, dont la réponse peut fortement varier en fonction des hypothèses de durée d'utilisation et de trafic attendu.

Mais qui peut prédire l'avenir ? Une forte croissance du trafic voyageurs entre la Combe de Savoie et l'Italie semble peu probable. Mais quid du fret ferroviaire ? Va-t-il rester à son faible niveau actuel, face à un important trafic routier ? L'économie va t-elle rapidement connaître une décroissance qui va faire diminuer le trafic routier et maintenir le trafic ferroviaire ? Au contraire, le trafic des poids-lourds va -t-il à nouveau augmenter, sans capacité suffisante de report vers le rail si on ne réalise pas le nouveau tunnel ?

Quoi qu'il en soit, une nouvelle infrastructure, même performante, ne permettra le report modal de la route vers le rail que dans un cadre règlementaire et économique adapté. C'est ce que fait la Suisse, en perçant à la fois de nouveaux tunnels ferroviaires de base et en établissant une taxe kilométrique sur les poids lourds. Cette taxe a une double fonction : elle rend le transport routier moins compétitif et génère des recettes pour maintenir et compléter le réseau ferroviaire.

Un grand chantier crée toujours des nuisances. Et personne n'aime avoir de nuisances près de chez soi. Si le tunnel de base se fait, il faudra donc veiller à ce que l'impact du chantier soit le plus limité possible et compenser par des restaurations d'espaces naturels. Personne n'aime non plus avoir une ligne de chemin de fer près de chez soi, surtout si la gare est lointaine ! Si le tunnel se fait, il faudra également améliorer les trains régionaux entre le Val de Suse et Turin.

Cependant, certaines indignations semblent bien sélectives. Alors que le projet ferroviaire déclenche de grandes manifestations en Val de Suse, je n'ai pas souvenir d'une contestation aussi bruyante lors du remplacement des navettes ferroviaires par le tunnel routier du Fréjus, en 1980, ni de tentatives d'empêcher le percement du deuxième tube routier, actuellement en cours.

Comme pour de nombreux autres grands projets, on voit bien qu'il est difficile d'avoir des certitudes sur le Lyon-Turin ferroviaire. Simplement deux visions existent et s'opposent : celle qui pense qu'on prépare l'avenir en réalisant des infrastructures adaptées et celle qui pense qu'on ménage l'avenir en ne réalisant pas de nouvelles infrastructures. Ces deux visions ont chacune leur légitimité.