Je suis toujours surpris par la place occupée par les critiques d'automobiles, généralement plus lourdes, rapides et polluantes que la moyenne, dans un journal comme Le Monde, à côté de dossiers sur le réchauffement climatique, la maison écologique ou la fin du pétrole. Certes, l'auteur de ces articles, Jean-Michel Normand, m'a fait remarquer qu'il était un des rares journalistes écrivant sur les voitures à indiquer systématiquement la consommation et les émissions de CO2 dans son article, ce dont je conviens, après avoir comparé avec d'autres journaux et magazines.

La voiture qui fait l'objet d'un article, dans le numéro en question est la Bugatti Veyron. Le journaliste détaille tous les superlatifs du véhicule, pour dire qu'ils le laissent froid. Il insiste même :

Un tel monstre de technologie, capable de dépasser les 400 km/h alors que plus personne ne s'intéresse à la vitesse de pointe des voitures, et dont la consommation moyenne dépasse les 24 litres aux cent kilomètres (deux fois plus en ville, trois fois plus à pleine charge), se trompe d'époque.

Le titre aussi est lucide : Bugatti, la voiture de tous les excès. Comment ne pas être d'accord ? On se demande cependant : pourquoi cet article est-il illustré par une grande photo ? Et pourquoi, dans le sommaire, le titre de l'article devient La belle Bugatti et ses 1001 chevaux, avec encore une photo, la seule du sommaire ?

Le lecteur du Monde souffrirait-il d'un dédoublement de personnalité, lui permettant d'être alternativement un citoyen, conscient des enjeux de la planète, ou un simple un consommateur, sans lien entre eux ? L'automobile est un tel phénomène de société qu'elle s'est imposée comme la norme, y compris culturellement. Je n'ai jamais vu dans la presse généraliste de critique de vélo de ville, ni de critique sur les transports en commun. J'aimerais trouver dans mon quotidien une chronique "moyens de transport" avec des articles du genre Penny Lane d'Intercycles : un vélo de courses, Téoz : le Corail qui essaie de jouer au TGV ou encore Tramway des Maréchaux Sud : une petite ceinture verte, bref des articles sur les modes de transport vus non seulement sous leur aspect écologique, mais aussi sous celui de la culture et de l'art de vivre. Et dans cette chronique, je serais même content de voir passer une critique d'automobile, mais de temps en temps seulement ;-) .