Les Transports en Commun Lyonnais (TCL) vont réintroduire la montée par l'avant (MPA) dans les bus à compter de juillet 2006. Cette nouvelle organisation est précédée par une campagne de communication intitulée La convivialité dans le bus avance mieux quand on monte par l'avant ! Les objectifs annoncés sont la restauration :

  • d'un meilleur respect des règles à bord (dont la baisse de la fraude)
  • de la légitimité du conducteur dans l'exercice de ses fonctions (dont le contôle des titres de transport et le rappel au règlement)
  • de l'accueil du client dans un climat plus serein.

La MPA s'incrit dans le même programme que le contrôle d'accès aux stations du métro.

La montée et la descente par toutes les portes, appelée libre-service, n'a plus la cote aux yeux des TCL :

Le libre service, si pratique en apparence, a progressivement engendré un certain laisser faire. Tout le monde entre et sort par n'importe quelle porte, donnant lieu à des bousculades. Le stress augmente et l'atmosphère à bord s'en ressent.

Cette organisation avait été introduite à partir de 1972, sur les modèles allemand et suisse. Il est intéressant de voir comment les TCL la présentaient à l'époque (dans En ligne directe, bimestriel d'information interne des TCL, n°1, septembre 1974) :

  • suppression des files d'attente pour la montée à une seule porte et de la bousculade pour être sûr de pouvoir descendre à l'arrêt voulu
  • répartition régulière des voyageurs à l'intérieur du véhicule
  • simplification pour le personnel, le conducteur étant déchargé de la lourde mission de surveillance de l'ouverture et de la fermeture des portes.

Notons aussi que lors de la mise en service du métro de Lyon, les TCL étaient très fiers de leurs stations ouvertes, à l'allemande, évitant à l'usager l'inconfort des tourniquets parisiens. Ayant connu au début des années 1970 les autobus à montée à l'avant et descente au milieu (il n'y avait pas de porte arrière à l'époque) et les trolleybus et les autobus à montée à l'arrière, passage devant le receveur et descente au milieu ou à l'avant, j'ai vécu le libre-service comme une vraie amélioration et le métro lyonnais comme un lieu de liberté (j'avais ma carte d'abonnement dans ma poche et je ne la sortais qu'en cas de contrôle, une ou deux fois par mois).

Alors, que s'est-il donc passé en un peu plus de trente ans ? Sans prétendre à une étude scientifique, je vous livre ici quelques éléments d'analyse.

Le libre-service a été introduit pour des raisons économiques et idéologiques. Il s'agissait à l'époque de trouver une solution pour supprimer les receveurs, qui persistaient sur les lignes les plus chargées. Il faut en effet se souvenir que le personnel représente plus des trois quarts du coût de fonctionnement d'un réseau de transports en commun. L'autre objectif était également de réduire le temps moyen passé aux arrêts, d'où augmentation de la vitesse commerciale et diminution du nombre de véhicules et de chauffeurs nécessaires pour exploiter une ligne. L'ambiance idéologique d'après Mai 68, avec l'autogestion et l'autodiscipline, mais aussi le développement des magasins en libre-service, était favorable au libre-service dans les bus. Bref, un monde de contrôle a posteriori, fondé sur la foi en la responsabilité individuelle.

Je crois que la principale motivation du retour à la MPA, tout comme l'introduction du contrôle d'accès aux stations du métro, est la lutte conre la fraude, la sérenité du climat à bord n'étant qu'un effet induit. Là aussi, l'environnement idéologique du retour à l'ordre, fermant la parenthèse post-soixantehuitarde, a facilité la mutation. Cela a commencé par l'obligation de valider systématiquement son titre de transport (parfois appelé contrat de transport, pour bien mettre en évidence les engagements respectifs du voyageur et du transporteur). L'objectif était double : disposer de statistiques fines sur les déplacements et surtout, marginaliser dans le regard des autres celui qui ne faisait aucun geste de validation. Il n'y avait alors plus de doute : ce n'était pas un abonné, mais bien un fraudeur. A partir de ce moment, l'accès au transport en commun suppose un temps d'arrêt, qui marque le passage entre le dehors et le dedans. La spécialisation de la porte d'entrée à l'avant ne fait que renforcer ce rite de passage. Tout ceci n'est probablement possible qu'avec des lignes d'autobus à trafic modéré. Quoi qu'on en dise, les lignes à fort trafic fonctionnent toujours avec la montée et la descente par toutes les portes, qu'il s'agisse du train, du métro ou du tramway. La création de lignes fortes de transports en commun en site propre est aussi une des conditions permettant le retour à la MPA sur les bus, dévolus aux lignes les moins chargées.

Le tramway constitue un point faible dans le système de contrôle. Dans le métro, le contrôle se fait lors de l'accès au quai ; dans le bus, le chauffeur s'en charge, et dans le tram, l'autodiscipline et le contrôle a posteriori restent la règle ! Je n'ai vu aucun réseau faisant la promotion de la MPA communiquer sur les règles d'accès au tramway. TCL ne communique d'ailleurs pas non plus sur le futur mode d'accès des trolleybus articulés Cristalis. Seront-ils maintenus en libre-service, circulant sur des axes fort ayant vocation à assurer un service proche de celui du tramway ou bien rentreront-ils dans le nouveau droit commun des bus, malgré leur porte avant plutôt étroite ?