Pour ou contre la billettique ?
Par Alain Caraco le vendredi 6 mars 2009, 21:52 - Intermodalité / billettique - Lien permanent
Chambéry Métropole envisage de s'engager dans la démarche billettique de la Région Rhône-Alpes. Cet article essaie de faire le point sur les avantages et les inconvénients de cette technologie, illustré par quelques exemples.
Principe
Dans les transports publics, on appelle billettique un système de paiement utilisant des cartes à puce sans contact, dites aussi cartes RFID ou Smartcard et des lecteurs de cartes, à bord des véhicules ou dans les stations. La carte à puce peut être lue sans contact si on l'approche à moins de cinq centimètres du lecteur. Les lecteurs de cartes, souvent appelés « valideurs », sont reliés à un ordinateur central, qui établit notamment des statistiques.
Les systèmes billettiques proposent généralement trois types de titres de transport :
- la carte nominative. C'est une carte à puce sans contact, sur laquelle on peut charger un abonnement forfaitaire (journée, semaine, mois, année) ou un crédit en euros, qui sera débité au fur et à mesure de son utilisation (par exemple, un euro par voyage en bus urbain). Elle est essentiellement destinée aux usagers quotidiens. Il est habituellement proposé au titulaire de créditer sa carte par virement bancaire automatique.
- la carte anonyme, également à puce sans contact, sur laquelle on ne peut généralement charger qu'un crédit en euros. Elle est vise principalement les personnes utilisant les transports en commun plusieurs fois par mois, mais pas tous les jours.
- des titres pour les usagers occasionnels (billet à l'unité, billet journalier, carte à 10 voyages, etc.). Ces titres sont habituellement en papier, éventuellement avec une piste magnétique et doivent être introduits dans un valideur. Souvent, les voyages avec ces titres sont vendus plus cher qu'avec la carte à puce, pour inciter un maximum d'usagers à prendre une carte.
On trouvera plus d'explications sur le site officiel consacré à la billettique.
Avantages
C'est pratique
La même carte peut donner accès à plusieurs réseaux, urbains (bus, tram, métro), départementaux (cars) ou régionaux (TER). On peut y ajouter d'autres services, comme la location de vélos en libre-service ou de voitures en autopartage, ou encore le paiement et le contrôle d'accès dans les parkings relais ou les consignes à vélos.
Des écologistes belges ont même lancé l'idée d'une Carte hypermobile, pour tous types de transports en commun, y compris les TGV.
On peut établir une tarification incitative
Le système peut être programmé pour offrir le tarif le plus avantageux pour l'usager. Par exemple, on peut prévoir qu'on débite à chaque voyage le prix d'un billet à l'unité, mais qu'à partir du moment où on a atteint le montant d'un forfait (journalier, hebdomadaire ou mensuel), les voyages suivants sont gratuits. Le système peut même recalculer le tarif le plus avantageux de manière dymanique. Exemple sur un réseau urbain fictif :
- lundi 1er juin, Paul achète une carte et effectue 5 voyages à 1 euro. Le système limite son débit au forfait journalier, soit 3 euros.
- dimanche 7 juin, il a déjà effectué 14 voyages. Le système limite son débit au forfait hebdomadaire, soit 10 euros.
- mardi 30 juin, il a effectué 49 voyages depuis le début du mois. Le système limite son débit au forfait mensuel, soit 35 euros.
- en juillet, Paul n'a effectué que 15 voyages, dont 5 le même jour. Le système lui débite 13 euros pour le mois.
On obtient des statistiques fines sur les déplacements
C'est intéressant pour les Autorités organisatrices de transport (AOT) et les exploitants.
Inconvénients
C'est cher pour la collectivité
La billettique nécessite l'installation d'un équipement cher et sophistiqué à installer et à maintenir. Dans une période où l'argent public est rare, ce n'est pas forcément une dépense prioritaire.
C'est indiscret
Le système garde des traces détaillées des déplacements de chacun. Même s'il existe des cartes anonymes, tout pousse à ce qu'il y ait un maximum de carte nominatives, grâce aux réductions tarifaires liées à la situation personnelle (âge, revenus, famille nombreuse, carte commerciale, etc.).
Voir par exemple le communiqué CNIL du 6 janvier 2009 : Testing de la CNIL auprès de la RATP : l'exercice du droit des usagers à se déplacer anonymement n'est pas garanti. Des doutes comparables ont été exprimés en Belgique.
Ça fonctionne sur le principe du contrôle à priori
Le système oblige tous les voyageurs, mêmes les abonnés, à valider leur titre à chaque montée et parfois à chaque descente. Cela augmente la durée des arrêts lors que les flux sont importants. Les abonnés n'ayant pas validé sont habituellement l'objet d'une amende (en général 5 euros), alors qu'ils sont en possession d'un titre de transport valable.
Quelques exemples
Les système billettiques sont répandus en Amérique et en Asie. En Europe, ils concernent surtout la Grande-Bretagne, la France, les Pays-Bas et la Belgique. En revanche, ils sont quasiment inexistants en Allemagne, en Suisse et en Italie.
En Rhône-Alpes, la Carte Oùra
La Carte Oùra a été lancée à l'initiative de la Région Rhône-Alpes. Les systèmes billettiques de Lyon, Grenoble, Saint-Etienne et Valence sont compatibles avec la carte Oùra.
A Londres, l'Oyster Card
L'Oyster Card permet de prendre tous les métros, bus et trams, malgré la coexistence d'une vingtaine d'opérateurs différents. L'article en anglais de Wikipédia évoque les avantages et les inconvénients.
Aux Pays-Bas, l'OV-Chipkaart
L'OV-Chipkaart permet de voyager sur tous les réseaux urbains et régionaux du pays. Le réseau d'Amsterdam explique quelle carte chosir.
Quelques exemples de tarification intégrée sans billettique
Chambéry et Annecy
Toutes les personnes qui sont scolarisées (y compris les étudiants) dans l'agglomération chambérienne, qui sont domiciliées dans l'agglomération d'Annecy (ou qui habitent l'agglomération chambérienne et étudient à Annecy) et qui ont un abonnement bus annuel à Chambéry ou à Annecy bénéficient d'un abonnement au réseau de l'autre agglomération pour 1 € de plus par an, sans système billettique, seulement avec une pastille autocollante sur la carte d'abonnement.
Annecy et les cars de Haute-Savoie
Le réseau urbain d'Annecy et les cars du Conseil général de Haute-Savoie disposent d'une tarification intégrée, sans système billettique, seulement avec des tickets papier.
Genève et la France frontalière
Unireso, la communauté de transport de Genève, comprend trois opérateurs français (SNCF, Réseau urbain d'Annemasse et cars SAT/Frossard) et quatre opérateurs suisses (CFF, TPG = réseau urbain de Genève, TPN = réseau urbain de Nyon et SMGN = bateaux sur le Léman). Les billets à l'unité ou pour la journée sont de simples facturettes, de type carte bancaire. Les cartes d'abonnement ne contiennent pas de puce et ne sont pas à valider sytématiquement, mais seulement à présenter en cas de contrôle.
Toute la Suisse
L'Abonnement général permet de prendre tous les trains, et la quasi-totalité des réseaux régionaux (cars et trains) et urbains (bus, trams et bateaux) de Suisse. c'est une simple carte en plastique, sans puce.
Conclusion
Ce qui importe pour l'usager, ce sont les accord tarifaires entre AOT, de façon à ce qu'une personne devant emprunter un bus urbain dans son agglomération de résidence, puis un TER, puis un autre bus dans on agglomération de travail ou d'étude, puisse le faire facilement et à un coût raisonnable. Il en va de même pour la personne qui emprunterait un car départemental, puis un bus urbain.
Un accord sur les abonnements, même avec trois coupons différents dans la même pochette, constitue un premier pas essentiel. L'étape suivante consiste à établir des titres pour les voyageurs occasionnels, notamment avec des billets combinant un aller-retour en train ou en car, plus un billet journée pour les bus des villes de départ et d'arrivée.
Faut-il aller jusqu'à la billettique ? Pourquoi pas si, sans précipitation, on peut démontrer que le respect de la vie privée des utilisateurs est garanti et que le coût du système est acceptable pour l'AOT. Mais ne mettons pas la charrue avant les boeufs : commençons par les accords tarifaires entre AOT. La billetique est un outil parmi d'autres, mais en aucun cas une condition.
Commentaires
De toute façon je suis pour la gratuité des transports urbains.
Tu vas m'inciter à faire un article "Pour ou contre la gratuité des transports urbains" ;-) . Et les transports périurbains ? ruraux ? régionaux ?
Je n'ai pas d'avis certain concernant ceux-ci.
oui, un article sur le coût réel du contrôle des billets (portique, carte magnétique, contrôleur, borne, ...) par rapport au prix de vente de celui-ci serait intéressant.
J'ai du mal à comprendre les motivations de laisser les transports en commun (en ville) payant ...
Une idée pour un certain nombre de transports extra-urbains: faire payer en fonction de la distance à vol d'oiseau, ou par zone, et non au kilomètre.
Au moins, ce ne sera plus le passager qui sera financièrement victime des tracés non-directs, et ça re-motivera à la ré-ouverture d'un certain nombre de lignes transversales. Actuellement, les compagnies n'ont aucun intérêt à le faire!
La billettique doit être un outil et non une finalité.
Elle peut apporter des services nouveau aux clients comme le prélevement automatique associé à un abonnement, plus la peine de faire la queue aux guichets, les collectivités ont enfin des données concrètes de leurs réseaux.
Bien souvent, le réseau n'a pas évolué depuis des années.
Enfin elle permet la confidentialité des données avec le decret Cnil qui impose une anonymisation des validations.
Petit bémol, souvent dans les projets billettiques on associe souvent la billettique avec le tarifaire ce qui peut constituer un frein au déplacements des usagers.
Un des probèmes rencontrés dans les projets billettiques est comment gérer les clients occasionnel et les clients fréquents.
Support différents? cela existe sur Lyon, bientôt Marseille.
Billet sans contact pour les occasionnels et Carte sans contact pour les clients fréquents sur Marseille.
Et un exemple de plus de tarification intégrée sans billetique avec Métrocéane !