Droit de retrait ou grève sauvage ?
Par Alain Caraco le vendredi 19 décembre 2014, 19:42 - TER Rhône-Alpes - Lien permanent
J'essaie de comprendre. Selon le Dauphiné Libéré, mardi 16 décembre 2014, un contrôleur est menacé avec une arme de poing par deux hommes ivres dans un TER Valence -Annecy. Le contrôleur a fait ce qu'il fallait : appeler la police ferroviaire, qui a arrêté les deux agresseurs et les a confiés à la police nationale. Jusque là, je comprends : le contrôleur a eu légitimement très peur, ses collègues et les autres voyageurs aussi.
C'est la suite que je ne comprends pas : de nombreux contrôleurs de la région SNCF de Chambéry cessent le travail, au nom du droit de retrait. Ce droit est reconnu aux travailleurs qui se sentent menacés par un danger nouveau. J'aurais pu le comprendre si les agresseurs courraient toujours, mais ils ont été rapidement arrêtés. Qu'attendent ces contrôleurs pour reprendre le travail ? La disparition de l'alcoolisme ? L'internement de toutes les personnes présentant des troubles psychiques ? Un contrôle à l'embarquement dans les gares TER comme dans les aéroports ?
Cela fait bientôt trois jours que les TER Rhône-Alpes sont gravement perturbés : retards importants, trains supprimés, information voyageurs déficiente. C'est aujourd'hui le début des vacances de Noël et gares et trains sont bondés. La grève dans les transports publics est encadrée : les grévistes se signalent 48 heures à l'avance et le transporteur annonce la veille quel sera le service minimum garanti le lendemain. Nous sommes ici dans une situation qui n'est ni l'excercice d'un droit de retrait (la cause nouvelle de danger a disparu), ni une grève légale (aucun préavis n'a été déposé). La SNCF, qui se refuse de parler de grève sauvage, emploie pudiquement l'expression "mouvement social" et ne peut même pas prévoir quelques heures à l'avance quels trains circuleront.
Je ne comprends pas ce qu'attendent ceux qui ont cessé le travail. En revanche, je comprends assez bien les conséquences de type d'attitude à répétition : développement du covoiturage, ouverture de lignes d'autocars sur autoroutes concurrençant les TER, puis finalement, ouverture de tous les TER à la concurrence, éclatement de la SNCF, fin du statut de cheminot. Est-ce vraiment ce que veulent ceux qui ont cessé le travail ?
Commentaires
Coincé sur le quai de la gare, mes réflexes d'enseignant en droit reviennent, à propos des articles L. 4131-1 et suivants du Code du travail. Le droit de retrait, invoqué par les cheminots, doit être exercé individuellement - contrairement à la grève, qui est par essence de nature collective. En effet, le texte évoque bien "le travailleur...peut se retirer".
Le danger auquel est exposé le travailleur doit être "grave et imminent pour sa vie ou sa santé". Nul doute que tous les contrôleurs ne sont pas, en même temps, menacés... L'on pourrait donc hurler sur les contrôleurs...
Mais les choses ne sont pas si simples. Le législateur mêle les droits d'alerte et de retrait, de telle sorte qu'une situation justifiant l'alerte justifie aussi le retrait... et le texte vise à ce titre aussi "toute défectuosité [que le travailleur] constate dans les systèmes de protection". Or, l'on peut comprendre, sur ce point, que les systèmes de protection des contrôleurs sont défaillants, pour des causes bien connues: peu de présence humaine en gare, intervention rarissime de la police en gare pour débarquer des passagers causant un trouble...
Je ne serais donc pas si prompt à blâmer les contrôleurs, même si je partage la crainte de l'auteur du blog liée aux conséquences d'un tel arrêt de travail. L'on peut également accuser le législateur, dont le texte, sur le droit de retrait, n'est pas clair; la SNCF et les AOT de limiter la présence en gare et à bord des trains, et de ne pas, y compris devant un mouvement spontané, mettre en place des solutions de substitution... Car pour l'usager, la cause de l'absence de train importe peu.
Monsieur, je trouve qu'opposer écologie et droit de retrait ou droit de grève est un non sens . On s'aperçoit, à vous lire, que dès que lapolitique se mêle de l'écologie, on se trouve devant des raisonnements tel que le votre: ne pas manifester -droit de retrait droit de grève- parce que du coup on est obligé de prendre la voiture. Que pensez vous des manifestants qui sont contre le projet de Pierre et Vacances? S'ils gagnent, combien d'emplois ne verront pas le jour? Et Sivens,Et NDDL, à propos duquel le 1er ministre, que vous soutenez, vient de faire une déclaration fracassante, sans même tenir compte des délais judiciaires obligatoires au vu des référés? Ne vous trouvez vous pas quelque peu réducteur: grève=ouverture à la concurrence=fin des cheminots?
Je précise -comme vous le savez- que je fais partie des gens impactés par ce mouvement. Je le comprends et l'accepte même si cela me pourrit la vie tous les jours. Et je précise que je suis contre l'encadrement du droit de grève.
Je ne susi pas sûr que vous publierez mon commentaire, mais pour une fois je souhaitais réagir.
Alain Carré
L'opinion publique soutient habituellement les professions à statut protecteur, tant que ces dernières assurent un service de qualité, continu et fiable. Lorsque ce n'est plus le cas, les choses peuvent changer rapidement. On en reparle dans dix ans.